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Emil Kesler

Humain | Courtisan | 2007

« Il a fallu que je naisse d’une mère qui n’a fait que des mauvais choix. Evidemment. Je ne me serais jamais retrouvé ici autrement. Et, il a fallu que je naisse dans ce corps imparfait. Evidemment. Tout aurait été plus doux autrement… plus léger, plus simple, et la simplicité, ce n’est pas drôle, n’est-ce pas ?

Je ne souviens pas très bien de l’orphelinat, je n’y suis pas resté assez longtemps, mais je me souviens de tout le reste. Je me souviens du noir. Je me souviens de son parfum. Je me souviens de ses baisers… rouges. Je me souviens de la chaleur. Je me souviens de ses doigts s’enroulant autour de mes boucles. Je crois que j’étais son préféré, parce que j’étais différent. Et je crois que j’aimais qu’il me préfère. Il ne me partageait pas, je n’étais qu’à lui. Mais un jour, il a arrêté de venir me voir. Je n’ai jamais compris pourquoi. Je sais seulement qu’il n’était plus là et que d’autres baisers rouges se sont posés sur moi. Evidement, il n’y a pas eu que cela, autrement je serais encore immaculé.

 

Madame Blanche m’a confié que je n’avais pas eu de chance avant qu’elle me trouve, que la vie n’était pas juste, mais que les choses allaient changer. Les enfants ne sont apparemment pas supposés vivre ce que j’ai vécu. Mais je ne me sens pas brisé. Je n’ai pas mal. Il me reste de ces nuits de nombreuses cicatrices et une étrange dépendance. Il semblerait que ce soit normal, car les enfants ne sont apparement pas supposés être initiés si tôt. Je m’en fous. Je ne veux pas être seul. Je veux sentir sur ma peau ces baisers rouges, jour après jour, jusqu’à ce que je fasse mon temps, et peut-être que là, seulement, je me demanderais si oui ou non, je préfère mourir dans le désir ou servir dans l’oubli. Evidement, c’est plus facile à dire qu’à faire, mais autrement, ce serait trop doux, trop léger, trop simple, et la simplicité, ce n’est pas drôle n’est-ce pas ? »

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