Hadrien Rose
Vampire | Héritier | 1821
« Je ne me remémore pas le moindre rêve. Avant de fermer les yeux, je me souviens avoir voulu les clore à tout jamais, mais je n’ai pas pu m’y résigner. Même si une part de moi se refusait à vivre sans elle, l’autre m’empêchait de faillir à la promesse qu’elle m’avait imposée. Les quelques pensées précédant ma narcose étaient aussi confuses que pouvaient le permettre tourmente et désespoir, mais je me souviens m’être demandé quel sort me réservait le dieu des songes. Allais-je revivre chaque seconde de félicité gravée dans mon esprit malgré leur insolente fugacité pour me réveiller brutalement, toujours aussi anéanti par sa perte ? Ou serais-je hanté par nos derniers instants arrachés avec cruauté, encore et encore, comme enchainé dans une prison infernale où le temps semble avoir perdu tout principe pour émerger, dépouillé de toute émotion, abruti de tout sentiment ?
Je ne me remémore pas le moindre rêve. Et je n’aurais jamais cru que je rouvrirais les yeux le coeur palpitant de stupéfaction tant il débordait d’amour, moi qui pensait ne plus jamais éprouver tel émoi. Elle me manque terriblement et pourtant, je n’arrive plus à nier une vie sans elle à mes côtés. J’ai enfin réalisé qu’elle m’a laissé une partie d’elle que je me dois de chérir avec ferveur, comme je l'ai toujours chérie. Elle ne m’a jamais quitté. Elle était là, sous mes yeux, depuis le début, ou plutôt depuis sa fin, à faire grandir cette partie de nous même après sa mort. Je ne comprends pas comment j’ai pu me laisser aveugler par le chagrin si longtemps. Je sais seulement qu’aujourd’hui, respirer ne me donne plus l’impression de suffoquer, me mouvoir ne me semble plus aussi insurmontable, penser à la tendresse de ses yeux, l’ivresse de son parfum et la délicatesse de ses lèvres ne représente plus une torture et affronter son absence ne me paralyse plus de terreur. Désormais, je la vois à travers elle. »